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introduction critique à la carrière de Pierre Lekeux Par Luc Honorez , journaliste au journal Le soir et écrivain


PIERRE LEKEUX, ACTEUR D’EAU ET DE GALETS

A 47 ans, Pierre Lekeux est de ces comédiens, tels Jean Rochefort, Jean Carmet ou François Berléand, qui se réalise dans la maturité. Formé dans des écoles aussi diverses que l’école du Passage (Paris), avec pour maître Niels Arestrup, ou l’Actor’s Studio (New York), artiste de théâtre, de cinéma et de télévision, la notoriété lui vint, en 2002, grâce au film « Strass » qu’il a produit et joué sous la réalisation de son compatriote belge Vincent Lannoo. Dans ce film atypique, il fait exploser un personnage de professeur d’art dramatique manipulateur, égocentrique, pervers et menteur qui lui vaudra des prix dans divers festivals internationaux.
Comparaison n’est pas raison mais… Si Lekeux devait avoir une sœur de fiction, ce serait Yolande Moreau (« Quand la mer monte ») avec laquelle il a joué « L’assurance vie ». Comme elle, l’acteur offre une chose rare dans l’art de l’interprétation : une danse drue et danse sur le fil d’un déséquilibre intérieur oscillant entre le rire et les larmes, le constat et l’imaginaire, l’innocence et la violence.
Lekeux est à la fois l’eau de la rivière et ses galets. Sa silhouette à l’écran n’a besoin ni de grands gestes ni de dialogues pour imposer un charisme rugueux et fragile. Il EST… Et, soudain, happé par l’AVOIR fictionnel, il se liquéfie sous nos yeux comme s’il n’avait plus que son regard, envahi de sentiments contradictoires, comme bouée pour ne pas se noyer.
Dans ce mélange d’introverti et d‘extraverti, qui lui vient aussi de la vraie vie, de l’obligation de gagner sa vie autrement que par son seul art. Lekeux peut entrer dans tous les personnages et nous mettre en empathie même avec ceux qui n’ont rien pour plaire. Il sait transformer son visage en traits indéfinis, lisses, en sorte qu’il devient un miroir dans lequel le spectateur peut reconnaître et définir ses propres pulsions, peurs, envies et, surtout, ce terrible besoin d’être aimés qui nous hantent tous.
Clown blanc tragique ou simplement comique, Lekeux donne une colonne vertébrale aux parcelles de fictions qu’il rassemble en forme de puzzle (une évidence qui surgit dans les courts métrages, « Prisonniers » et « Adulte », qu’il a tourné pour le cinéaste de « Japon », »Batailla in el cielo »Carlos Reygadas) mais également sur les différents long métrages dont il est l’interprète principal ( Danse des esprits de Manuel Poutte où il interprète le curé Pol Radowski .
Qualité rare dans son métier, Pierre Lekeux est de ces comédiens qui continuent à vivre en nous après la projection. Au sortir de la salle de projection, le personnage qu’il a créé nous pose encore des questions, nous demande s’il peut être notre ami, notre bonne ou notre mauvaise conscience et nous prend parfois par le bras à un moment où on ne s’y attend pas.
Ainsi en va-t-il du flic déchu qu’il joue dans « Combat avec l’ange ». Ce Lambert Desmet, qu’il sort du réel pour le mettre dans notre réalité, nous en apprend sur la chute qui guette tout humain plus que toute étude sociologique sur le monde d’aujourd’hui.
Qu’un acteur puisse à la fois faire naître de la chair, des os, des larmes, de la tendresse, de ce qui traîne dans nos rues et que nous ne distinguons pas toujours et être, en même temps, uniquement par son jeu dont tout intellectualisme a été éliminé en aval, une… métaphore, voilà du grand art. Pierre Lekeux le possède. Et a, humblement, le courage de l’offrir.
Luc Honorez écrivain et journaliste au journal « Le soir »