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Introduction de Daphnis Boelens au sujet de Pierre Lekeux

Pierre Lekeux, un comédien entre crocs et crêtes

1960, alors que la planète ne compte encore que trois milliards d’habitants, que La Dolce Vita de Fellini se voit condamné par l’église et qu’un inconnu du nom de Johnny Hallyday fait sa première apparition à la télévision, Pierre Lekeux naît en Belgique dans un contexte familial particulier. Il sera dès l’enfance plongé dans le monde interlope de la nuit et de l’underworld .De cette riche expérience, il apprendra à bien comprendre et observer les rapports de force, les situations complexes où se meuvent des êtres particuliers. Il sera le témoins de différentes « folies humaines ». Cette genèse constitue la matrice où il puisera son inspiration.

Habitant un port, fils d’un père marin et d’une mère qui voyage, il deviendra voyageur …

Par le hasard des rencontres et des désirs avoués, il se retrouve engagé dans le Théâtre de Banlieue, où il fera ses débuts, de manière si percutante (s’il est vrai qu’il ne connaît encore rien au théâtre, il se démarque par son attitude « ose et propose ») que le directeur l’engagera dans sa troupe pour une tournée à travers les Etats-Unis et l’Amérique latine qui cristallisera son métier de comédien.

A partir de là, il sait où est sa vraie place et abondera en ce sens, accumulant les expériences sur les planches tant en Belgique qu’en France, mais aussi multipliant les stages de formation, car il estime qu’un comédien ne doit jamais cesser d’apprendre, et qu’il doit s’initier à toutes les formations qui existent, de préférences les plus poussées.

Fasciné par le Living Theatre, par l’Actor’s Studio, et par des personnages tels que Richard III, Caligula ou encore le terrible Gilles de Rais de George Bataille, Pierre les étudie en allant chercher au fond de lui tous les sentiments les plus viscéraux qui soient, s’aveuglant d’émotion, se troublant de folie quand un personnage l’exige, se schizophrénisant pour les besoins de cette multiplicité des rôles extrêmes – mais quel rôle ne l’est-il pas, extrême ?

On retrouve Pierre Lekeux à l’affiche du « Bossu » (de Paul Féval ; mise en scène : Claude Volter), d’« Eclaboussure » (de Georges Bataille ; mise en scène : Alain Mébirouk, qui connut une tournée mondiale), dans « Bread and Puppet : Domestic Circus Resurrection » (par Florence Falk ; mise en scène : Peter Schuman), dans « Pique-nique » et « Guernica » (de Fernando Arrabal ; mise en scène : Eva Wiederman, au English Vienna Theater, qui connut une tournée européenne), de « Cœur de chien « de Boulgakov mis en scène par Patrick Mélior etc. Il est aussi le Piotr d’« Ivanov » (d’Anton Tchekhov ; mise en scène : Philippe Hottier), Le Comte dans « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée » (d’Alfred de Musset ; mise en scène : Chantal Mélior), ou encore Sancho Panza dans « Don Quichotte » (de Cervantes ; mise en scène : Frédéric Lammerant), etc.

Parmi ses professeurs qui le forment dans le cadre de ses différents stages à Paris, on trouve Philippe Hottier, Niels Arestrup, Jack Garfein, Jack Waltzer, John Strasberg, ou encore le réalisateur Alain Hakim.

Mais très vite, Pierre aspire à de nouveaux horizons en parallèle, une variante de jeu, de nouvelles sensations. Alain Hakim lui fait entrevoir le métier d’acteur de cinéma, et Pierre trouve face caméra de nouvelles pulsions, de nouvelles pulsations, de nouvelles issues et révolutions émotionnelles. Toujours avec ces concepts de « mémoire sensorielle », de « bon travail », d’« exploration de soi par le jeu », Pierre se lance dans une nouvelle aventure avec un regard qui s’affine au fil des expériences. Il est sans doute allé trop loin pour pouvoir encore faire marche arrière, et dès ce jour il faudra compter avec le cinéma dans sa vie.

Il crée une maison de production, Radowski Films, qui lance de nombreux jeunes réalisateurs et comédiens sur le marché du cinéma, et travaillera lui-même comme acteur avec un certain nombre d’entre eux (Un certains Carlos Reygadas célèbre aujourd’hui pour ses films primés à Cannes dont les plus important sont Japon et Batailla in el cielo (il sera son premier acteur sur les deux premier courts métrages de celui-ci : Adulte et Prisonniers), M. Balcy, J. Deglas, etc.). Bientôt, il organise lui-même à présent des stages d’acting face caméra, avec l’aide de la comédienne Psyché Piras, Frédéric Fonteyne et Frédéric Lammerant, dont l’objectif est de permettre à de jeunes réalisateurs et acteurs de se rencontrer afin de travailler ensemble sur des films par la suite (parmi ces jeunes réalisateurs, on trouve notamment Frédéric Fonteyne, Pierre-Paul Renders, Philippe Blasband…). Dans le cadre de ces stages, Pierre fera une rencontre qui, par la hasard des choses, s’avèrera décisive dans sa vie : celle de Vincent Lannoo. A deux, ils enchaînent une série de répétitions purement à titre d’exercice, mais qui, au fil des heures, des jours, des semaines, vont donner lieu à un long-métrage, « Strass », véritable cas d’école, où tout est improvisé mais se combine génialement pour constituer le récit brut et décomposé d’un professeur d’art dramatique tout aussi brut et décomposé. Le succès de « Strass » (soutenu en France par Emmanuelle Béart) conduira Pierre et Vincent dans de nombreux festivals en Europe, avec des prix à la clef, et la considération de nombreux acteurs (au sens large du terme) du monde du cinéma vis-à-vis de ce véritable OVNI du cinéma qui, comme beaucoup de ces OVNIS (on pense au « Maniac » de William Lustig et Joe Spinell, au « Driller Killer » d’Abel Ferrara… et évidemment à l’incontournable « C’est arrivé près de chez vous » du trio Belvaux-Bonzel-Poelvoorde), frappent fort et frappent là où on ne s’attend absolument pas dans le canevas culturel de l’époque, sans concession et à la nargue de la censure.

Par ce film, Pierre Lekeux passe à la vitesse supérieure, enchaînant les projets avec la dynamique de la boulimie, avec la curiosité d’un matou, passant d’un personnage à l’autre, d’un extrême à l’autre de film en film (un prêtre dans La Danse des Esprits de M. Poutte, un père tendre et violent dans Last Night on Earth de G. Daoust, Un petit tour de piste avec la succulente Yolande Moreau dans l’Assurance-vie de Jacques Deglas un flic raté en quête de rédemption dans Combat de l’Ange, de M. Handwerker…), élargissant ainsi son registre d’univers et de caractères. Il travaille aussi avec Pierre-Paul Renders pour la télévision, ainsi que pour Miroslaw Judkoviak et W. Crespin.

S’il est un temps pour apprendre, il est aussi un temps pour transmettre ce que l’on a appris, ce que l’on a acquis comme expérience au fil des scènes et des plateaux. Ainsi, Pierre Lekeux consacre-t-il aussi du temps à former ou coacher d’autres comédiens. Il sera professeur d’art dramatique à Gdynia en Pologne pendant un an, professeur d’acting face caméra à Parallax à Bruxelles, et s’impliquera également comme comédien dans de nombreux films d’essai réalisés par les étudiants dans les grandes écoles de cinéma belge (INSAS, IAD, INRACI…).

Battant par nature et toujours désireux d’aller plus loin, avec pour seule technique l’instinct et l’émotion mnémonique, Pierre Lekeux additionne les rôles au gré des vents, s’imposant l’impression de toujours repartir à zéro, afin d’offrir chaque fois un nouveau souffle à ses personnages. Plus que jamais à suivre…

Daphnis Boelens, 7 février 2008